En ces mois de grandes fêtes juives et musulmanes, à un moment où les combats ont cessé et un espoir de paix renait au Proche Orient, les prières de tous les croyants doivent converger pour allumer dans les coeurs la flamme de la réconciliation. En ces jours aussi nous nous souvenons des attentats du 11 septembre 2001 et de tous les attentats semblables perpétrés depuis pour honorer les victimes et affirmer notre volonté, en tant que citoyens de démocraties respectueuses des droits de l’homme, de déjouer les actions des damnés qui veulent nous terroriser pour détruire nos sociétés.
La raison nous commande de bien distinguer le terrorisme aveugle, mû par la haine de l’autre, des conflits multi-formes au Proche Orient qui opposent des états (Israel/Palestine), des ethnies (arabes/ perses/ kurdes/ druzes…), des rivalités au sein de l’Islam (sunnites/chiites), sans oublier le mauvais sort fait par exemple aux coptes.. Dans ce foisonnement de conflits qui se superposent et s’exacerbent mutuellement, le terrorisme trouve un bouillon de culture particulièrement propice et s’y développe à loisir, pour s’exporter ensuite dans le monde entier et y faire des émules.
Sous-tendant ces conflits et les entretenant est l’état de sous-développement endémique de la région, pourtant exceptionnellement riche en hydro-carbures. Un rapport de l’UNESCO sur la science dans le monde, publié en 2005, souligne que les états arabes, représentant 295 millions d’habitants (4,5% de la population mondiale) vivant dans 22 pays, soit 10,5% des terres émergées, avaient un revenu par tête parmi les plus faibles du monde, un des taux d’analphabétisme parmi les plus élevés (en 2000 38% des adultes étaient analphabétes), et investissaient moins dans la science, la technologie et l’enseignement qu’aucun autre groupe de pays, hors l’Afrique sub-saharienne. Cet état de pauvreté qui s’auto-entretient, dans des pays dont les gouvernements ne sont ni démocratiquement élus, ni économiquement efficaces, ni probes financièrement, nourrit un sentiment de frustration dans la population, aisément détourné par des gouvernements aux abois vers la haine de l’étranger (l’occidental, l’américain, le juif/sioniste/israélien..) présenté comme la source des malheurs du peuple, lequel cherche aussi consolation et dignité dans les valeurs de l’islam traditionnel.
Comment sortir de ce cycle infernal de pauvreté qui engendre des conflits, qui entretiennent le sous-développement, qui nourrit la haine et la violence et ainsi de suite à l’infini …?
D’abord certes, atténuer – au lieu d’exacerber – les conflits et ramener progressivement la paix dans la région, en commençant par régler le conflit entre Israel et la Palestine. Cette première démarche est la responsabilité d’abord du “Quartet” – l’ONU, les Etats Unis, l’Union Européenne et la Russie qui doivent peser de toute leur influence pour faire prévaloir la raison et l’intérêt bien compris des populations sur la violence des extrémistes qui poursuivent la politique du pire.
Simultanément, en associant les divers pays de la région au prodigieux essor économique de la planète.
Le Proche et Moyen Orient disposent de ressources énergétiques dont le monde a besoin; le reste du monde – l’Union Européenne en particulier – a toutes les raisons d’y investir pour accéder à ces ressources, y développer des emplois et contribuer à la formation de leurs populations. Cette action économique était déjà prévue par la Déclaration de Barcelone, de novembre 1995, mettant en place le partenariat Euro-Méditerranée qui visait à faire de cette mer intérieure de l’ancien empire romain “une zone de dialogue, d’échanges et de coopération qui garantisse la paix, la stabilité et la prospérité”. L’exemple de l’Union Européenne est là pour montrer que l’intégration économique, initialement lancée pour qu’il n’y ait “plus jamais la guerre” entre états européens, aboutit in fine à une union politique (comme avec les anciens états communistes d’Europe centrale et orientale) dès lors que ces nations et leurs gouvernements souscrivent à l’acquis communautaire de l’Union Européenne et répondent ainsi aux critères démocratiques exigés de la part des membres de l’Union.
A la base de cette action économique et politique de longue haleine, qui devrait être un objectif clef de l’Union Européenne pour les prochaines décennies, un effort soutenu d’approfondissement de nos connaissances de notre passé doit être entrepris. Tous les pays et les peuples de la région ont une histoire commune de près de quatre mille ans, faite certes de conflits, de migrations, de conquêtes (et de défaites), mais aussi d’enrichissements économiques, culturels et spirituels. Il importe de découvrir cet héritage commun et de se l’approprier, que chacun sente et reconnaisse ce qu’il doit à l’Egypte et à la Mésopotamie, à la Grèce, à la Loi de Moïse, au Royaume de David et au peuple juif, à l’Empire romain (et même à Carthage), à la Rome chrétienne et à l’Eglise d’Orient, à Byzance, à l’Islam, à l’Empire ottoman, à la Réforme, aux Lumières et à la Révolution…
Nous, Artisans de Paix, nous nous sommes fixés comme objectif central de contribuer à cette reconnaissance de nos sources en commençant par celles qui sont propres aux trois traditions issues d’Abraham et de la Révélation du Sinaï, mais sans exclure les autres apports, notamment ceux venus d’Asie. Notre programme d’activités 2006-2008 qui vous sera prochainement communiqué, vous proposera une nouvelle étape dans cette voie.
Quelle conduite enfin adopter contre le terrorisme ? Il faut l’isoler, comme on cherche à isoler un virus contagieux, du contexte conflictuel du Proche Orient dont il se nourrit. Il faut le combattre avec les moyens de police déployés contre la grande criminalité internationale (drogue, prostitution…) car il s’en rapproche par son mode d’organisation même s’il en diffère par les motifs. Il faut que les autorités religieuses des communautés dont il se réclame illégitimement dénoncent publiquement ses actions comme un pêché contre son prochain et contre Dieu.
Que cette année 5767 du calendrier juif, 1427 de l’hégire, soit l’année de la paix et de la reconnaissance mutuelle dans la prospérité entre Israel et la Palestine. Cette paix sera un symbole pour toute la région et pour le reste du monde.
Edmond LISLE, Président