Depuis le sanglant « 11-09 » de New York, les violences s’enchainent aux violences, chaque nouvel acte de terreur entrainant une contre-terreur, une vengeance, des représailles, entretenant haine et ressentiment chez les victimes et la volonté de se faire justice en lavant l’affront dans le sang de l’autre.
La semaine dernière à Kerbala, à Bagdad et au Pakistan un nouveau pas était franchi dans ce cycle de haine, touchant nos frères musulmans au plein cœur d’une cérémonie religieuse. Alors que des dizaines de milliers de chiites commémoraient le martyre en 680 de Husayn, fils d’Ali lui-même gendre de Mahomet, des centaines d’entre eux étaient massacrés par des criminels révélant ainsi la vraie face du terrorisme contemporain qui n’a rien à voir avec l’Islam, même si Al Qaïda s’en réclame, trahissant totalement l’enseignement du Coran.
Qu’est-ce qui pousse une poignée d’hommes et de femmes cultivés à se faire exploser dans un avion ou avec une bombe afin de donner la mort à un maximum d’êtres humains, tout en invoquant le nom de Dieu ? La haine de l’Occident, bouc émissaire chargé de tous les maux qui pèsent sur les peuples opprimés ? La haine d’Israel, considéré comme seul responsable des malheurs du peuple palestinien, comme naguère les Juifs étaient jugés responsables des malheurs du peuple allemand ? Qu’est-ce qui motive aujourd’hui cette haine des Chiites ?
Quel « enseignement du mépris » a cultivé cette haine de l’autre, occidental, juif ou chiite ? Qui sera la prochaine cible, la prochaine victime ?
Nos sociétés qui s’enorgueillissent d’être « démocratiques » et qui se réclament des « Lumières » et des « Droits de l’homme » doivent entreprendre un sérieux effort d’analyse pour comprendre comment elles ont pu engendrer en leur sein de tels criminels qui éprouvent le plaisir de tuer et sacrifient leur vie non par amour mais par haine.
On a pu plaider la misère du tiers monde, la famine, l’exploitation, les expropriations, les génocides, l’exode de populations entières dû aux guerres… Certes, chaque continent peut aligner de nombreux exemples déshonorants pour nos sociétés de pareils crimes contre l’humanité. Dans le feu et la folie meurtrière d’une guerre, chaque camp commet des excès : le bombardement de Dresde en 1945, quand l’Allemagne était vaincue, relevait d’un sentiment de pure vengeance pour laver les bombardements d’innombrables villes anglaises. C’était un acte de barbarie gratuite sans la moindre justification stratégique. De tous temps l’humanité a connu ces excès et très tôt la « Loi du talion » était énoncée et enseignée pour tenter de faire comprendre aux hommes que l’excès est abominable aux yeux de Dieu et néfaste pour la société. S’il y a eu crime ou faute ou délit, il faut d’abord le démontrer et ensuite le sanctionner mais le châtiment doit être proportionné au mal commis. Le non respect de ce principe entraine en effet l’enchainement de la violence.
A la suite du deuxième conflit mondial, les Nations Unies ont vu le jour pout offrir aux Etats et à travers eux aux peuples de la terre une enceinte où la négociation se substituerait à la guerre pour régler les conflits d’intérêt qui ne peuvent manquer de surgir entre des sociétés. Dans le cas des personnes, les états de droit constituent le cadre dans lequel les individus vivent en bonne harmonie les uns avec les autres et, s’il y a conflit, l’Etat intervient pour faire respecter le droit de chacun de vivre selon les prescriptions des Droits de l’homme et maintenir la paix civile. Entre les nations, l’ONU vise à jouer un rôle semblable et malgré de nombreux échecs, a malgré tout réussi à prévenir des déflagrations mondiales entre Etats. Avec l’apparition du terrorisme international, la paix des sociétés est menacée par des groupes qui ne relèvent d’aucun état, même des soi-disant « Etats voyous ». A la base, quelques poignées d’individus disposant de ressources importantes qui cherchent par les attentats à susciter des réactions violentes, dressant ethnie contre ethnie, religion contre religion, état contre état, peuple contre peuple, en définitive frère contre frère.
Pour quel motif ? Les chemises brunes de sinistre mémoire visaient la prise du pouvoir d’Etat et y parvinrent, instituant un terrorisme d’Etat. Ils cultivaient la haine. Leurs descendants cultivent aussi la haine. Ils visent à détruire la paix civile et jusqu’au tissu social lui-même en répandant la peur et le soupçon généralisés. Du désordre qui en résulterait seul le crime organisé en profiterait.
La société civile a le devoir de se défendre devant cette menace. Cette défense passe par celle de l’état de droit qui garantit le respect de tout individu, de sa personne, de ses biens, de ses libertés – de pensée, de parole, d’activité… dès lors qu’elles ne menacent pas l’existence, les biens, les libertés d’autrui. Tous les citoyens d’une démocratie ont le devoir de promouvoir et de défendre ce respect d’autrui.
Les croyants, ceux qui se comptent parmi les enfants d’Abraham, plus que tout autre ont le devoir d’être fidèles à l’enseignement de l’amour du prochain et du respect de l’étranger transmis par nos pères depuis les Dix Paroles données au Sinaï. L’unité publiquement proclamée de Juifs, de Chrétiens et de Musulmans devant le nouveau terrorisme est le meilleur rampart contre la barbarie.
Edmond LISLE, Président