Notre Association vient de célébrer la messe anniversaire en mémoire de Madeleine FRAPIER qui nous a quittés le 25-26 janvier 2002. L’homélie ci-jointe de Mgr. Charles MOLETTE rappelle l’action de notre Fondatrice. Cet anniversaire coincidait avec la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, unis par un même baptême et une même foi au Christ ressuscité mais séparés depuis des siècles par le souvenir de conflits anciens et de divergences sur des questions dont débattent les théologiens. Ces mêmes chrétiens divisés poursuivent en même temps un dialogue de plus en plus profond avec leurs aînés dans la foi, leurs frères juifs et leurs frères musulmans, assurés que la proclamation à la face du monde de notre foi commune en un Dieu unique et misécordieux fera avancer la paix entre tous les hommes,enfants d’un même Père et créés à l’image de Dieu. A l’issue de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens il apparaît que le dialogue inter-religieux avec les autres confessions monothéistes jette un éclairage nouveau sur le dialogue oecuménique des chrétiens divisés. Le judaïsme et l’islam ont aussi leurs divisions, mais transcendant cette diversité et même ces divisions apparaît l’unité profonde du judaïsme et de l’islam. Il en est de même de la chrétienneté.
L’année 2006 a commencé avec son cortège de catastrophes naturelles (suites des séismes au Pakistan), d’accidents meurtriers dans les transports, d’attentats incessants, mais aussi ses espoirs sinon de paix au moins de dialogue, à la suite d’élections en Irak et dans les territoires palestiniens où la victoire du Hamas, porté par des électeurs écoeurés de la corruption du Fatah, offre peut-être une possibilité de conversion d’un mouvement terroriste en une force politique responsable.
Les manifestations d’une rare violence suite à la publication dans la presse occidentale de caricatures du Prophête nous interpellent. L’agression de croyants dans ce qu’ils tiennent de plus sacré est inacceptable. Les menaces de mort proférées par quelques uns de ces agressés à l’encontre de “l’Occident” sont condamnables et doivent être sanctionnées. Poursuivons l’analyse: ce sont sans nul doute les excès de fondamentalistes pronant la mort violente de leurs adversaires au moyen d’attentats suicides qui ont inspiré les caricatures incriminées.
La violence par l’image répond à la violence par l’explosif. Et les pays islamiques qui tolèrent les caricatures anti-sémites et anti-chrétiennes dans leur presse sont bien mal placés pour critiquer une certaine presse occidentale qui a publié ces caricatures choquantes. Il n’empêche: cette violence par l’image est détestable et compromet les efforts de tous ceux, de toute confession, en Orient et en Occident, qui oeuvrent pour la paix.
Cela pose aux pays démocratiques tout le problème du respect à la fois de la liberté d’expression, l’un des fondements de nos démocraties, et simultanément du respect de l’autre, qui vit parmi nous. Cet autre est citoyen ou étranger, mais se rattache à une autre culture que la nôtre. Autrefois, il y a à peine quelques générations, catholiques et protestants – à la fois chrétiens et français (ou anglais ou allemands) – s’affrontaient en luttes meurtrières sur le territoire où ils co-habitaient. Ce passé récent est révolu et chaque confession aujourd’hui respecte l’autre et reconnait sa contribution au patrimoine culturel et spirituel de l’humanité, qui s’exprime dans l’architecture, la peinture et la musique comme dans l’aide apportée aux malades et aux indigents, aux orphelins et aux réfugiés, quel que soit l’âge ou le sexe, la couleur ou la croyance…
Il est permis d’espérer qu’une même compréhension et estime réciproque s’établira dans nos pays d’Europe entre les populations autochtones, de culture “européenne” (d’inspiration majoritairement gréco-latine, judéo-chrétienne et héritière des “Lumières”) et les minorités immigrées élevées dans d’autres cultures, musulmane, africaine ou asiatique, le plus souvent un mélange d’ethnie et de religion.
Il appartient à nos démocraties pluri-culturelles d’encourager le respect des différences, mais aussi de promouvoir le dialogue inter-culturel avec ce que ce même dialogue suppose de liberté d’expression: chacun doit pouvoir s’exprimer librement en s’efforçant de ne pas agresser ou offenser l’autre, ce qui signifie, à l’inverse, de ne pas se sentir offensé ou agressé à tout propos . La tolérance s’enseigne dès le plus jeune âge, en famille et à l’école, dans la rue, dans les loisirs, le sport et le travail et ne signifie nullement renoncement de sa propre identité ni de ses propres convictions. Elle exige avant tout l’écoute attentive de l’autre pour le comprendre et se mettre à sa place avec la conviction que l’autre peut vous apporter quelque chose et vous enrichir et qu’il n’est pas là pour vous tromper.
Le dialogue, qui commence par l’écoute, n’est qu’un premier pas: le plus tôt possible il faut s’efforcer de construire quelque chose en commun et poursuivre cette action dans la durée en sachant qu’il y aura des divergences de vues, voire des conflits, mais qu’on peut les surmonter et progresser dès lors que l’on pratique toujours le respect de l’autre, même si on est en désaccord avec lui.
En cette année où nous célèbrons l’anniversaire de la naissance de Mozart, souvenons-nous aussi que la musique est un puissant langage universel de communication. Sachons recourir à l’inter-communion qu’elle permet entre hommes et femmes de toute origine, de toute culture et de toute croyance.
Edmond LISLE, Président