Il y a universalité de l’expérience spirituelle qui tient à notre commune condition humaine et à l’action mystérieuse de Dieu dans la vie des hommes. Il y a les particularités liées aux croyances de la personne. Il y a l’irréductible singularité de tout être humain, de son histoire et de son expérience spirituelle. Selon les itinéraires, chaque étape n’a pas le même caractère déterminant, mais toutes se trouvent présentes en chacun, parce qu’elles concernent toutes un aspect essentiel de notre condition humaine commune.
Date : 15/10/2011
Ce texte fait suite à l’échange sur les « sept demeures spirituelles » entre frère Olivier-Marie Rousseau ocd (Provincial des Carmes Déchaux pour la Province de Paris, comprenant les couvents d’Avon, de Paris, de Lisieux, de Lille et de Bagdad) et Paula Kasparian, mis en présence grâce à Christian Rogez. Frère Olivier a écrit à Paula : « Sur le fond, je confirme le fait que vous percevez en chacune des Demeures et en particulier dans la troisième un aspect réel de l’expérience thérésienne. En y réfléchissant, il me semble que la question porte davantage sur le statut de votre démarche vis- à-vis de l’itinéraire thérésien ». Le texte qui suit est le fruit d’une réflexion de frère Olivier-Marie Rousseau ocd sur le parcours des sept demeures spirituelles, tel qu’il a été proposé aux Artisans de Paix en 2010-2011. Il s’inscrit tout-à-fait dans l’Epistémologie des Artisans de Paix où il est question d’articuler singulier / particulier / universel, pour une coïncidence des opposés en Celui que certains nomment Dieu, d’autres le Réel ou encore l’Ultime au-delà de tout, manifeste en tous (cf. page Recherche).
Selon frère Olivier-Marie Rousseau « Il y a tout à la fois une universalité de l’expérience spirituelle qui tient à notre commune condition humaine et à l’action mystérieuse de Dieu dans la vie des hommes. Il y a ensuite les particularités liées aux croyances de la personne. Il y a enfin l’irréductible singularité de tout être humain, de son histoire et de son expérience spirituelle. Pour tenir compte de ces différents niveaux, peut-être faudrait-il préciser que selon les itinéraires, chaque étape n’a pas le même caractère déterminant, mais que toutes se trouvent présentes d’une manière ou d’une autre parce qu’elles concernent un aspect essentiel de notre condition humaine commune ».
« Par exemple, pour les troisièmes Demeures, il n’y a pas chez Thérèse d’expérience mystique, puisque celle-ci commence au sens strict du terme avec les quatrièmes, tandis que le terme d’illumination (choisi par les Artisans de Paix) évoque immédiatement quelque chose d’une telle expérience. Quand vous explicitez ensuite le fait qu’il s’agit-là d’un travail de différenciation, de sortie de la fusion, il est davantage possible de rejoindre ce que dit Thérèse dans ces demeures, car il s’agit bien à travers l’épreuve d’une sécheresse intérieure et le sentiment de pauvreté spirituelle d’une grâce de connaissance de soi et de plus grande vérité humaine ».
« De même, lorsque dans les quatrièmes demeures, vous faites un rapprochement avec la nuit de l’esprit de Jean de la Croix et la purification de la mémoire, il y a un décalage évident avec l’étape que décrit Thérèse du point de vue mystique, celle-ci se rapprochant plutôt de la nuit des sens dont parle Jean de la Croix, sachant que la symbolique de la nuit est totalement étrangère à Thérèse et qu’elle partirait plutôt du côté lumineux de l’expérience pour déployer la compréhension de son itinéraire ».
« En soi, il n’y a qu’une fondamentale en toute vie humaine, celle de la conversion pour employer un vocabulaire chrétien. Toute personne rend compte de son itinéraire à partir d’une expérience fondatrice qui peut être un événement ponctuel ou se déployer plus largement dans le temps. Chez Thérèse, il s’agit de l’expérience des cinquièmes Demeures. Tout ce qui précède est compris comme la préparation de cette grâce et tout ce qui suit comme son approfondissement et son déploiement plénier. Cette différence d’importance n’apparaît pas dans votre présentation qui accorde une grande importance à chaque étape. Cependant, cette manière de voir peut aussi se défendre du point de vue thérésien à condition d’avoir bien à l’esprit ce que je viens de rappeler. En effet, l’un des fruits de l’expérience spirituelle est l’unification de la personne, d’une personne qui, à aucun moment ne peut être considéré d’un unique point de vue. Il est donc bien évident que tout approfondissement dans l’un des aspects de l’expérience humaine a un retentissement sur toutes les autres dimensions de la vie humaine. Ainsi, l’entrée dans les cinquièmes Demeures ne supprime pas la réalité du combat spirituel, mais celui-ci sera vécu d’une toute autre manière ».
« Il faut donc peut-être insister davantage sur le fait que selon les expériences spirituelles, le moment de l’expérience fondatrice ne se situe pas au même niveau ou ne concerne pas exactement le même aspect de l’expérience humaine. Les différences dans la manière d’en rendre compte tiendront également aux différentes anthropologies sous-jacentes. Cependant, chaque Demeure met en évidence une dimension de l’expérience humaine que l’on peut retrouver selon des degrés divers de valorisation en toute expérience religieuse ».