D’itinérance en itinérance, d’Istanbul, à Novossibirsk, en passant par Pondichéry et Pékin, de découverte en découverte des grandes religions du monde dans leur environnement, dans leur quotidien, se forge en Françoise Mirabile la conviction intime que les divers chemins vers Dieu sont comme les couleurs de l’Arc-en Ciel, les diverses modalités d’une Unique Alliance entre l’homme et le divin. A nous tous, nous donnons naissance à une symphonie, nous nous enrichissons par nos charismes respectifs, si nous ne cherchons pas à nous dominer mais à nous écouter, à partager, à louer Dieu chacun à notre manière et à comprendre ensemble les diverses facettes de notre humanité.
Date : 26/10/2017
Déléguée en Chine depuis octobre 2017
Françoise Mirabile demeure actuellement à Heilongjiang International University, 1 Hengxing Road, Limin development Zone, Harbin 150025, CHINE. Le Heilongjiand se situe dans le « Dongbey », le Nord-Est de la Chine, c’est la Sibérie de la Chine. Tout près, se trouvent la Russie, la Mongolie, la Corée. Ce sont les Russes qui ont construit cette ville au XIXè siècle, première ville chinoise planifiée, avec des avenues droites « à l’occidentale ». De nombreux bâtiments du début du XXè, aux styles architecturaux variés témoignent de cette histoire : Renaissance, Classique, Baroque, Art nouveau… Harbin fut un temps très cosmopolite, avec des communautés religieuses variées : Russes orthodoxes, juifs, catholiques et protestants, musulmans, bouddhistes, confucéens et autres. Les Russes ont « chassé » les juifs sous l’occupation japonaise dans les années 40, et les Russes eux-mêmes ont quitté le pays dans les années 50. La belle cathédrale orthodoxe est un musée, la synagogue une salle de concert, la mosquée turque est abandonnée, mais le temple bouddhiste est superbe, avec un bouddha arborant un svastika sur la poitrine. Et les dernières années des tours gigantesques ont donné une nouvelle image à la ville. Actuellement, il fait environ moins 20 degrés. Et nous attendons dans quelques semaines l’ouverture du très prisé festival de sculptures de glace.
Premières impressions. De Harbin (Chine), le 18 décembre 2017, Françoise Mirabile écrit :
« Je me trouve dans un presque désert religieux, dans une situation linguistique qui ne me permet pas d’aller à la rencontre des rares croyants. Il me semble que les Chinois (par exemple quand j’observe mes collègues de travail) circonscrivent dans une zone très privée, intime, tout ce qui ressort de la croyance. L’Etat est toujours communiste dans ses institutions, et s’il existe des lieux de culte, ils sont étroitement surveillés, et ne doivent fédérer ni mouvement ni actions ni sentiments collectifs. L’identité religieuse est tolérée comme un strict particularisme individuel. Sans doute est-ce, aujourd’hui, une certaine réinterprétation du Confucianisme qui se trouve la plus favorisée, après avoir été en disgrâce du début du XXème siècle jusque dans les années 1980, car le confucianisme était alors jugé contraire à l’idéologie de la modernité et un obstacle à sa conquête. La figure du grand Sage est réinterprétée à la lumière de la Chine moderne pour créer du lien social, donner un réancrage dans des valeurs traditionnelles, et combler le vide laissé par l’effondrement de l’idéologie communiste. Ce confucianisme est récupéré pour cautionner en grande partie la nouvelle économie libérale du pays (une expression (nouveau mot d’ordre des années deux mille) du Parti est « Société d’harmonie socialiste »), et sert aussi à présenter la Nouvelle Chine à l’étranger par la prolifération d’Instituts Confucius (sur le modèle des institut Goethe ou des Alliances Françaises …) qui doivent aider à propager la langue et la culture chinoises selon les modalités voulues par le gouvernement de la République de Chine Populaire. Le Confucianisme est sans doute l’option la moins « religieuse » possible, elle propose des principes, conditions de sociabilité pour une société ordonnée.
Avec Paul, nous visitons, mais moins en ce moment, car les températures sont descendues en deça de – 20 degrés, et nous attendons le printemps. Nous visitons pour nous donner des buts de promenades plus que pour rencontrer des acteurs de l’interreligieux. Par ailleurs, enseignant dans une université, nous sommes tenus par un devoir de réserve sur ces questions. Et, ici, tout me semble bien compliqué. Si vous pouviez imaginer la complexité des opérations les plus simples, comme demander une direction, changer un peu d’argent, c’est étonnant ! Ce n’est pas seulement une question linguistique, mais de référent, de visions du monde qui peinent à se rencontrer. Nous sommes vraiment dans un autre monde. Si loin de l’Europe.
Voilà. J’aimerais trouver le moyen de continuer à soutenir le projet de l’Association Artisans de Paix auquel j’adhère vraiment et dont je sens qu’il demande à s’élargir, à s’adresser à plus de personnes, à continuer à approfondir une réflexion et une expérience unique par sa qualité, son ambition.
A la faveur de ce que nous vivrons ici, et dont je ne sais pas encore grand chose, nous verrons ce que peut être notre petite voix de Chine. »
Déléguée à Istanbul, en 2016 et 2017
◊ Dans les pas de Jean XXIII à Istanbul – Françoise Mirabile, juin 2017
◊ Les juifs de Turquie de la communauté actuelle – Françoise Mirabile, 11 janvier 2017
◊ Les juifs d’Istanbul face au tournant de la modernité – Françoise Mirabile, 11 janvier 2017
◊ Diversité des communautés juives de Turquie – Françoise Mirabile, 11 janvier 2017
◊ Les Juifs caraïtes d’Istanbul – Françoise Mirabile, 22 décembre 2016
◊ Situation de l’interreligieux à Istanbul – Françoise Mirabile, 16 novembre 2016
◊ De 1987 à 2016, découverte de l’interreligieux à Istanbul – Françoise Mirabile, 22 décembre 2016